Récits de vie

La fête des mères : Faites du passé un présent !

Ah, la fête des mères ! Période chérie et heureuse où les mamans se voient offrir toutes sortes de cadeaux réalisés par les petites mains de leur progéniture.

Ah, ces dessins, collages, poèmes, boîtes en carton, bougeoirs, dessous de plats qui sont venus ainsi garnir le cœur de nos mamans et les placards de la cuisine… Difficile de tous les énumérer !


Bien sûr, recevoir le fruit du travail acharné de son enfant est toujours un moment émouvant pour une maman.

Elle imagine bien nos petits doigts maladroits tout collés, les pots de peinture consommés ou pires renversés, les mètres de feuilles coloriées puis découpées pour arriver jusqu’à cet objet original qu’elle tient maintenant dans ses mains… La fête des mères est un vrai marathon pour les enfants et nous avons été bien courageux en vérité de nous lancer plusieurs années durant dans cette épreuve, sous le pilotage inspiré de nos téméraires maîtresses.

Devenue adulte, je me dois d’être lucide et honnête même si cela attriste la petite fille que j’ai été : malgré toute ma bonne volonté, le résultat obtenu après ces heures passées à me concentrer sur ce fichu cadeau ne se révélait pas toujours à la hauteur de mes espérances.  J’ai vécu, probablement comme vous, ces moments de remise en question au moment d’offrir son présent, ces moments où l’on croise les doigts pour que la pince à linge ne se soit pas encore décollée ou que la poterie ne soit pas cassée lors de son voyage dans le cartable… Même sur des œuvres plus simples, j’avais souvent des états d’âme d’ordre esthétique et je comptais sur l’aveuglement de l’amour maternel pour me sauver la mise…

Vous trouvez que j’exagère ? Prenons un exemple avec ce cadeau de la fête des mères qui m’a particulièrement marqué. Ma mère probablement aussi !

Il s’agissait d’un tableau de légumes secs collés sur une jolie plaque de contreplaquée, confectionné en grande section de maternelle. L’œuvre, d’une dimension assez imposante, représentait une scène de la truculente histoire « roule Galette ». Vous avez oublié cette célébrissime histoire racontée à des générations d’enfants ? Je vous aide, je vous fais le pitch.  Une vieille – oui c’est comme cela qu’on l’appelle dans le livre – décide de cuisiner une galette pour son mari. Manque de chance, elle n’a plus de farine. La voilà contrainte de balayer le grenier pour ramasser quelques grains de blé en vue de confectionner de la farine puis de réaliser son gâteau.

Notez au passage que :

1 – elle ne devait pas être pressée de manger sa galette,

2 dans la vraie vie, quand on n’a plus de farine, la première idée qui vient est rarement d’aller balayer le grenier,

3 – l’histoire nous prouvera que la consommation de produits périmés ou qui sont restés trop longtemps stockés peut avoir des effets indésirables et inattendus,

En effet, contre toute attente – en regard de la souplesse habituelle d’une galette – et alors que la vieille l’a mise à refroidir sur le bord de la fenêtre, celle-ci commence à trouver le temps long, se laisse lentement glisser le long de la fenêtre et décide d’aller vivre d’autres expériences loin de là, en roulant à travers la nature… Incroyable, non ? A ce stade de l’histoire, on pourrait légitimement se demander si c’était vraiment des grains de blé que la vieille avait trouvé dans son grenier… Maligne, la galette réussit à échapper à un lapin et à un ours en leur faisant écouter sa chanson. Honnêtement, à partir du moment où la galette sait rouler, pourquoi ne saurait-elle pas chanter ? Mais elle tombe finalement sur plus malin qu’elle – un renard – et elle finit l’histoire dans son estomac…  

Ça y est, vous y-êtes ?

Pour en revenir à ma création, je me souviens que j’avais réalisé le contour de l’ours avec des gros haricots blancs et patiemment rempli son corps à l’aide de petites lentilles imitant ainsi son pelage. Pour ce qui est du renard et du lapin qui étaient de taille plus modeste, c’était plus difficile de les différencier. Sincèrement, avec une poignée de haricots rouges et blancs et quelques pois secs, vous arriveriez, même à votre âge, à faire quelque chose de ressemblant à un renard et à un lapin ?

Quant à la galette, bizarrement je ne m’en souviens plus. Malgré mon jeune âge et probablement épuisée par l’exercice, ou bien parce que mes mains étaient devenues inaptes au bricolage sous l’effet d’une bonne dizaine de couches de colle, j’avais dû avoir la présence d’esprit de représenter la fin de l’histoire : quand la galette est déjà dans l’estomac du renard et qu’il n’est donc plus nécessaire de la représenter !

Une des choses que l’on ne pouvait pas manquer de voir lorsque l’on découvrait mon œuvre, c’était mon choix de couleur pour réaliser le fond du tableau.

Quelle couleur de peinture ? Couleur sang, je ne vois pas comment décrire autrement cette teinte.

Avais-je voulu faire un rappel de la couleur du cœur pour symboliser mon amour pour ma mère ?

Mes camarades de classe avaient-ils déjà consommé tout le pot de jaune, ne me laissant pas d’autre choix ?

Y avait-il une colère cachée, une envie d’en découdre après ces heures d’efforts ? Je vous rappelle le pelage de l’ours entièrement recouvert de lentilles… et c’est petit une lentille !

Je ne sais plus…

Mais le résultat final était réellement assez violent à observer. Avec tout ce rouge, en découvrant son cadeau, je pense que ma mère a pensé que j’avais représenté la scène au cours de laquelle le loup dévore le petit chaperon rouge plutôt que « roule galette ».

Si je ne me souviens plus précisément de sa réaction – le difficile moment où la maman se doit de trouver l’expression et le ton juste – je pense qu’elle a été profondément marquée par ce tableau. En effet, à mon grand étonnement, il est encore aujourd’hui accroché dans la maison familiale ! L’amour maternel trouvant toutefois ici quelques limites, elle s’est contentée de le mettre dans une pièce un peu intime et à faible passage…

Mais quand même !

Merci Maman, et bonne fête !!

unsplash-logoSandeep Singh

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